Seb Bouin et Micka Mawem abordent les grands thèmes de l’entraînement, sur l'alimentation et sur leur vie de grimpeur professionnel… Un sacré débat !
Article extrait du Grimper n°231 disponible en téléchargement sur l'application Grimper.
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Dans le bloc 3 de la finale des Championnats du monde, face au public, Micka prend une option sur la victoire.


L’alimentation

Grimper : Qu’avez-vous pensé de la récente polémique autour de l’inaction de l’IFSC au sujet des troubles alimentaires ? (La fédération internationale a été accusée de ne pas prendre de mesures suffisantes pour prévenir les troubles alimentaires dont les grimpeurs et grimpeuses de haut niveau seraient particulièrement victimes, et plusieurs médecins officiels de la fédération ont quitté leurs fonctions en guise de protestation, NDLR.)

Seb : Déjà, pour remettre les choses dans leur contexte, l’escalade est un sport qui se prête bien aux troubles alimentaires, parce que la performance est très dépendante du rapport poids/puissance, donc en caricaturant, plus tu es léger, plus tu tiens les prises. Après, le problème, c’est que ça peut devenir obsédant, ça peut amener à se sentir mal dans sa peau et dans sa tête, et, dans ces cas, premièrement tu ne tiendras pas longtemps, et deuxièmement ça peut amener des problèmes de santé.

Micka : Je suis tout à fait d’accord avec Seb. Il ne faut pas oublier qu’on est sur un sport où on lutte contre notre poids. C’est une donnée qui joue énormément. Il est presque impossible de faire du haut niveau en faisant plus de 80 kg. 90 kg, n’en parlons pas. À part peut-être en vitesse. Cela fait que l’hygiène est capitale. Les régimes sont incontestablement un outil de performance. Et c’est là qu’on entre dans la zone problématique. Quand tu t’entraînes dur, quand tu donnes ta vie pour être prêt pour un événement, alors naturellement tu essaies de mettre toutes les chances de ton côté. Si j’estime que perdre 5 kg m’aidera à être plus performant pour ma compétition, alors je vais être le premier à le faire. D’ailleurs je le fais. Ça fait plus d’un mois que je ne mange qu’un repas par jour, que je tourne entre 1000 et 1500 kcal par jour. Pour 6 bonnes heures de sport par jour. Mais je le fais de manière calculée et réfléchie. C’est un choix de ma part parce que je sais pertinemment que mon gros point faible est la tenue de prise, et pour combler cette lacune, jouer ponctuellement sur mon poids est quelque chose d’intéressant.
Maintenant, pour en venir à la polémique de l’IFSC, je crois qu’il y a un amalgame qui est fait entre les sportifs qui sont très affûtés parce que ça fait partie de leur métier, et ceux, ultra minoritaires, qui ont un vrai problème et qui ont besoin d’être aidés ou soignés. N’oublions pas aussi que cette question du poids, tout comme l’ambiguïté qu’il peut y avoir entre professionnalisme et maladie, ne date pas d’hier, elle se posait déjà dans les années 90.

Seb : Je pense que, jusqu’à un certain point, le problème est avant tout dans la tête. Ce n’est pas parce que tu es maigre que ça ne va pas. Tu peux très bien être affûté et être heureux comme ça, et puis un jour changer. Il ne faut pas assimiler directement la maigreur à la maladie. Ça peut arriver, quand tu as un projet en falaise que tu bosses depuis longtemps, que tu te dises : « J’ai tout fait, je suis calé dans la voie, j’y suis allé entraîné, j’y suis allé avec les conditions, etc., et la seule chose qu’il me reste, c’est d’être plus affûté. » Et ce genre de pensées peut, je pense, vraiment tourner mal. Si tu essaies de maigrir à contrecœur, si tu vois tes amis qui mangent pendant que toi tu te restreins, si ça grignote ta vie et ton moral, alors ça va probablement trop loin. Je crois que si la volonté d’affûtage est limitée dans le temps et liée à un objectif, alors ce n’est pas si grave, par contre, quand ça devient permanent, alors c’est plus problématique.

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© Clarisse Bompard


Micka : Je suis tout à fait d’accord avec cette notion de temporalité. S’affûter, c’est savoir bien le faire et au bon moment. Je reprends l’exemple de ma préparation aux Championnats du monde. Je travaille ma tenue de prise toute l’année, pourtant je reste moins fort que les meilleurs dans le domaine. Aujourd’hui, avant mes compètes, je sais d’expérience que perdre 2 kg me permet de réduire un peu l’écart de tenue de prise avec les meilleurs. Ça va aussi impacter le visuel de mon corps, je vais aussi perdre un peu de muscle, peut-être un peu d’explosivité, mais je vais le faire quand même, parce que je sais que j’en ai besoin pour ces Championnats du monde. Mais un mois après ma compète, j’aurai repris mes 2 kg. Et ce n'est rien comparé à ce que font les boxeurs. Certains s’entraînent toute l’année à + 5 kg ou + 10 kg, et puis un mois avant le combat, ils se mettent à faire un régime et perdent même plusieurs litres d’eau au dernier moment pour passer la pesée. Ensuite, ils remangent énormément dans les heures qui précèdent le combat. En fait, on optimise la performance, on fait de l’escalade à haut niveau, on essaie de repousser certaines limites, on abîme notre corps à l’entraînement, on abîme nos articulations, on en fait un peu plus que ce qui serait bon pour notre santé parce qu’on optimise tout pour la perf, mais c’est notre choix de vie et c’est comme ça. Et la gestion du poids n’est qu’un élément parmi d’autres dans ce tableau. Le sport est bon pour la santé, mais quand tu en abuses, c’est comme tout, ça devient mauvais. On comprend donc facilement que ce n’est ni la première ni la dernière polémique sur le sujet. Ce qu’il faut éviter, c’est que les grimpeurs de haut niveau tombent dans des troubles alimentaires qui vont impacter leur santé physique et mentale, et pour prévenir ça au mieux, je ne crois pas que mettre en place des contrôles d’IMC par l’IFSC soit la solution. Je serais plutôt pour instaurer un suivi de long terme des athlètes par des professionnels, au niveau des fédérations nationales qui connaissent très bien leurs athlètes. Cela serait beaucoup plus efficace.

Grimper : Mais, Micka, en mangeant aussi peu durant ta préparation, tu trouves quand même la force de bien t’entraîner ?

Micka : Oui, parce que j’essaie de faire les choses correctement. Je mange deux heures avant mon entraînement. Lors de mes derniers exercices, de ma dernière voie, de mon dernier training, je suis en PLS, je n’en peux plus, mais je remange quelque chose immédiatement, et puis les repas du soir et le petit dej sont hyper light. Je donne juste ce qu’il faut à mon corps pour avoir l’énergie physique et mentale pour m’entraîner.

Grimper : Et toi, Seb, est-ce qu’il y a des moments où tu te fais des grosses missions affûtage comme Micka ?

Seb : Alors pas vraiment. J’essaie de manger sainement au quotidien. C’est ma priorité. Après, je ne me fais pas des grosses missions sèche, mais il y a des moments où les choses viennent naturellement. Déjà, il ne faut pas oublier que quand tu t’entraînes beaucoup, tu dépenses tellement d’énergie, tu es tellement fatigué à la fin que tu t’affûtes même en mangeant normalement. Après, quand je suis en trip, quand je suis à la bagarre avec un gros projet, je sais que j’ai mes petites routines qui arrivent, et qui d’ailleurs me rassurent. Je mange bien et, très important, je mange tôt, pour prendre le temps de bien digérer. Je mange deux fois dans la journée, avant de partir grimper et en rentrant. Mais tout cela vient naturellement, je ne me l’impose pas du tout, ça fait partie d’un tout global qui fait que je me sens bien dans ma tête et dans mon corps pour donner le meilleur dans le bras de fer avec mon projet.

Grimper : Une pensée pour tous nos lecteurs qui lisent cet article. Vous ne pensez pas que vos discours, qui donnent quand même à l’alimentation une place très importante dans la performance, sont un peu dangereux ? Vous ne croyez pas que ce que vous dites pourrait inspirer certains dans le mauvais sens et pousser des grimpeurs vers des troubles alimentaires ? Rassurez-nous, ces histoires de poids et d’alimentation, ça ne concerne que le haut voire le très haut niveau ?

Seb : Totalement. Surtout, il faut être bien dans la tête si tu fais ça. Moi, si vous relisez, vous verrez que je n’ai jamais dit que je m’affûte drastiquement, l’affûtage passe simplement par le fait de bien manger.

Micka : Évidemment. Avant de commencer à penser à faire des régimes, il y a beaucoup, beaucoup de choses à mettre en place. Il ne faut pas sauter les étapes. C’est comme les compléments alimentaires. Moi, je me complémente beaucoup. D’ailleurs, j’ai oublié de le dire, mais dans mes périodes de sèche, je me complémente, évidemment, pour éviter d’avoir des carences. Aujourd’hui, énormément de personnes me demandent quels compléments alimentaires prendre, mais ce que je réponds systématiquement, c’est de commencer par mettre en place de bonnes habitudes alimentaires avant de penser aux compléments. Tu prends un bon petit dej ? Tu manges équilibré ? Tu manges entre deux et trois heures avant ta séance ? Tu manges léger le soir ? Non ? Eh bien commence par ça alors ! Pour les régimes, c’est pareil. La question ne se pose que quand on a mis beaucoup de choses en place en matière d’entraînement. Et ça ne doit se faire qu’en réponse à un objectif précis. Pour ma part, c’est la tenue de prise. Je sais qu’en explosivité la perte de poids ne m’apportera rien, et même elle va me pénaliser. Quelqu’un de déjà très maigre et très fort en tenue de prise, au contraire, aura probablement intérêt à prendre un peu de muscle (donc de poids) pour gagner en explosivité. C’est une question d’objectifs et d’optimisation, en fait, et ça ne concerne que le haut niveau.

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Prêt à croquer, non pas une pomme, mais un titre de champion du monde.


Entraînement : la science versus le bon sens

Grimper : En discutant avec vous, en ayant aussi passé une journée d’entraînement avec vous, on a l’impression que, même si vous vous entraînez énormément, vous fonctionnez au bon sens. Ça contraste un peu avec une grande mode de l’entraînement scientifique et avec tous les programmes ultra précis de musculation qui fleurissent sur le Net. Qu’est-ce que vous pensez de tous ces programmes, est-ce que vous les utilisez ?

Seb : Pour moi, l’entraînement doit être personnel. Mais ça ne veut pas dire que tu ne dois pas te nourrir de tout ce qu’il y a à côté. Si tu vois quelque chose qui t’inspire, il ne faut pas hésiter à le tester. Tu essayes, tu vois ce que ça donne, tu vois ce que tu en tires. Je crois en revanche qu’il ne faut surtout pas voir ça comme une recette qui va à coup sûr te faire progresser. Il faut que tu l’essayes, comme si tu essayais des chaussons d’escalade. Tu regardes s’ils te vont bien ou pas et puis tu décides ou non si tu les gardes, si tu les prends plus grands, plus petits… C’est un peu la même chose avec l’entraînement. Tu sens, par exemple, que tu as un déficit en tenue de prise et tu aimerais progresser. Regarde les programmes de suspension qui existent, puis quand tu en trouves un qui t’inspire, tu le tentes, en restant toujours vigilant à la blessure, qui peut survenir plus facilement qu’on ne le croit quand on se lance dans un nouvel entraînement. Tu constates ensuite ce que ça donne et tu adaptes le programme pour que ça corresponde encore mieux à ton profil et à tes routines. Chaque corps est différent.

Grimper : On retiendra la métaphore du chausson ! Les programmes d’entraînement doivent être essayés, parce que nous sommes tous différents, nous réagissons tous différemment, nous avons des objectifs différents, et donc certains programmes conviendront parfaitement à tel grimpeur, mais pas du tout à tel autre. C’est bien ça ?

Seb : Oui, et, autre précision, c’est vrai autant physiquement que mentalement : tu vas avoir des choses qui conviennent mieux que d’autres à ton corps, mais aussi à ta tête. Si un training est très adapté à toi mais que tu détestes le faire, tu auras beaucoup de mal à te motiver et ça n’ira pas non plus. La bonne formule sera celle qui te va bien sur tous les plans. Ce ne sera peut-être pas la plus efficace au niveau théorique, mais ce sera celle qui, en pratique, t’amènera à progresser dans la durée.

Grimper : À quel moment de ta carrière, Seb, as-tu commencé à intégrer des exercices de musculation spécifique, du Güllich, des suspensions, des circuits training et autres dans ton entraînement ? Autrement dit : jusqu’où es-tu allé en ne faisant que grimper pour t’entraîner ?

Seb : Hum, je dirais à peu près jusqu’à Chilam Balam (un 9a+/b réussi par Seb en Andalousie, à 22 ans, NDLR). Jusque-là, ça pouvait peut-être m’arriver de temps en temps, mais pas régulièrement du tout. La première chose que j’ai commencé à faire, c’est de rajouter des petits exercices durant mes journées de repos. Ensuite, il y a eu un vrai déclic pour le travail de Move (un 9b/+ à Flatanger contre lequel Seb a mené un bras de fer long de plusieurs années et qui l’a propulsé parmi les tout meilleurs falaisistes du monde, NDLR). Je me suis mis à faire mes premiers cycles d’entraînement spécifique.

Grimper : Et tu penses que ça a été un élément décisif pour la réussite ?

Seb : Dur à dire, mais je pense que oui, ne serait-ce que parce que ça change ton esprit avec ton corps. Ça te donne une vision différente de l’objectif. C’est comme si tu passais un cap dans l’investissement et ça t’aide à aller au bout du process.

Grimper : Et toi Micka, on ne t’entend plus ! Un avis sur la mode de l’entraînement scientifique ?

Micka : Je suis d’accord avec la première chose qu’a dite Seb. L’entraînement est quelque chose de très personnel. Il faut l’adapter à soi. Donc face à un programme d’entraînement tout fait, je le rejoins sur la méthode : essaye, regarde si ça fonctionne, et si ça ne fonctionne pas comme tu voudrais, n’hésite pas à l’ajuster pour arriver à une formule qui marche pour toi. De mon côté, ça fait 15 ans que je fonctionne par cycles, qu’il n’y a pas une séance où je ne m’entraîne pas, tout est planifié. Et tous les 6 mois, mon entraînement change. Je fais tout évoluer. Les exercices, les temps de repos, les nombres de répétitions… Ça bouge constamment. Et pour mettre en place ces évolutions, je reste ouvert, à la fois à ce qui sort sur le plan scientifique et à ce que je peux voir chez d’autres grimpeurs ou dans les approches de certains entraîneurs. Je prends un peu de tout ça, je l’essaye, et je le mets à ma sauce. Et en faisant ça, tu t’aperçois que ce qui fonctionne pendant six mois ne fonctionnera peut-être pas les six mois suivants. Il faut se réadapter constamment. Cela demande d’y passer du temps et de bien s’informer, et si tu penses que tu n’auras pas les compétences pour faire tout ça par toi-même, tu peux envisager de te faire accompagner par un entraîneur. Je reçois plein de messages de personnes qui me demandent des recettes pour progresser en force doigt, en biceps ou autre. Invariablement, je leur conseille de se rapprocher de quelqu’un de la salle du coin, du club du coin ou en tout cas qui pourra les voir en vrai, qui va pouvoir donner un entraînement adapté et faire évoluer les choses de jour en jour, d’exo en exo et de cycle en cycle. En résumé, il faut un entraînement personnalisé.

Seb : Voilà. Le défi est de trouver ce qui va marcher pour toi, en fonction d’une foule de paramètres qui varient d’un grimpeur à l’autre.

Grimper : Et donc, tous ces protocoles qu’on trouve dans les livres ou sur le web, vous vous en servez ?

Seb : Moi, je ne m’en sers pas, je l’avoue.

Micka : Moi je vais être amené à les utiliser, mais dans un sens un peu particulier. Je vends mon corps à ces outils plutôt que je ne les utilise pour mon entraînement perso. Aujourd’hui, il y a plein d’outils qui sortent, la Smart Board, par exemple, mais aussi beaucoup d’autres, et moi je suis un cobaye parce que j’y rentre mes données. Il faut bien se dire que ces outils utilisent des données pour ensuite mettre au point des programmes d’entraînement. Or, aujourd’hui, ils ne disposent pas encore d’énormément de données. Donc ils sont utiles, mais ils le seront encore plus dans 5 ou 10 ans. Il y a quelque chose qui ne change pas : ces outils doivent être utilisés de manière réfléchie ! Bien faire les tests, choisir les bons programmes… Tout cela demandera de toute façon une certaine expertise, car les outils les plus élaborés sont souvent les plus durs à utiliser !

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Pour Seb, à l’assaut d’un projet extrême comme Suprême Junbo Love (9b+), l’envie de manger sainement arrive naturellement. © Clarisse Bombard


Thème libre

Grimper : Qu’est-ce que vous auriez envie de rajouter ? Qu’est-ce que vous voudriez vous demander l’un à l’autre ?

Micka : Quand est-ce qu’on te voit en compète, Seb ?

Seb : Ah ! Figure-toi que ça me titille un peu, de temps en temps. Mais il faudrait que je me remette très doucement dans le bain. Que je commence par faire quelques Coupes de France par exemple… Et toi, Micka, quand est-ce qu’on te voit en falaise ?

Micka : Aujourd’hui, je suis en transition, je sais que le moment où je vais arrêter la compétition s’approche. Ça peut être l’année prochaine comme dans quatre ans. Moi, mon seul plaisir, c’est de gagner, donc je ne vais pas continuer pour m’investir à moitié et n’avoir aucune chance. Je ne prends pas de plaisir à simplement participer. Pour la suite, j’aimerais bien grimper un peu dehors. J’aimerais bien, par exemple, faire une voie dans le 9 une fois dans ma vie. Ou bien me mettre un beau défi dans une voie mythique comme Biographie, même si je sais que tout le monde va me dire que ce n’est pas mon style. (Rires.) Ou bien aller grimper dans de beaux endroits, simplement essayer de beaux blocs, et laisser venir l’envie de performance si jamais je tombe sur quelque chose de suffisamment beau pour me motiver à m’investir.

Seb : Haha ! C’est toujours pareil ! Tu te dis que tu vas aller faire un trip à Majorque pour être dans un bel endroit et faire des vacances avec les amis, puis tu finis en mode projet dans Es Pontas à coup sûr ! Moi, ça m’est arrivé tellement de fois, la dernière c’était au Portugal d’ailleurs (Seb a ouvert le premier 9a+/b du pays, NDLR), de vouloir faire un trip tranquille et puis finalement de mettre 30 essais dans la même voie, simplement parce que tu as envie de la faire.

Grimper : Et la compète, Seb, ça te titille vraiment ou tu blagues ?

Seb : Ah mais ça m’a toujours titillé ! J’aime vraiment ça ! Après, il y a plusieurs problèmes. Déjà, je stresse beaucoup, ce qui n’est pas idéal. Ensuite, ça me demanderait de changer complètement mon équilibre. Pour faire les choses bien, il me faudrait une grosse préparation, un gros investissement en me refocalisant sur la salle et donc en oubliant temporairement mes objectifs en falaise. Et là, je suis plutôt bien dans ce que je fais ; ma carrière de grimpeur pro, elle marche, donc ce n’est pas évident d’abandonner quelque chose qui marche. En général, dans ce cas, on a plutôt envie de continuer.

Grimper : Et puis la tendance d’évolution du style des ouvertures en compétitions n’est pas trop à ton avantage…

Seb : Clairement, les voies sont devenues très intenses, avec des coordos dedans, de l’explosivité, des choses où mes qualités d’endurance auraient du mal à s’exprimer. Mais ce n’est pas grave, même si ce n’est pas au plus haut niveau, ça me ferait triper de faire une saison de compétitions, avoir un objectif à la fois fun et atteignable, essayer de gagner un circuit de Coupe de France par exemple.

Grimper : Allez, on garde le meilleur pour la fin ! Pour nos lectrices et lecteurs qui lisent avidement ce magazine en se disant qu’il va les aider à progresser, s’ils ne devaient retenir qu’une chose, quel conseil leur donneriez-vous ?

Seb : Alors pour ma part, ce serait : suis tes envies et ne te contrains pas trop. Pas dans le sens de ne pas t’entraîner, mais dans le sens d’aller au bout de ce que tu as réellement, profondément envie de faire. Par opposition à ce qu’il te faudrait faire, ou ce que les autres attendraient que tu fasses, mais qui au fond ne te fait pas tant envie que ça. Si tu rêves, ne te contente pas de rêver, donne-toi les moyens. Et au contraire, ne te donne pas les moyens pour quelque chose que tu n’as pas réellement envie de faire.

Micka : Moi, je voudrais faire une dédicace à Marc. Ça me fait rire parce qu’une fois, je faisais des rappels de force avec Mejdi et Polo (Mejdi Schalck et Paul Jenft, NDLR), et ils se sont accrochés à moi pour que je fasse mon exercice lesté. J’ai pris ça en vidéo et je l’ai mis sur mes réseaux. Et à la suite de ça, ce Marc a fait des commentaires en disant que c’était n’importe quoi, que ça ne servait à rien, etc. Je ne veux pas rentrer dans le débat et le détail d’à quoi peut servir tel ou tel exercice. Mais le conseil que je donne au lecteur, c’est le même que ma réponse aux critiques de Marc : il n’y a pas de bon ou de mauvais entraînement. Si tu le fais à fond et que tu l’adaptes à ton profil, tout fonctionne. Faire des cycles et suivre un entraînement planifié, ça marche. Mais faire simplement des séances d’escalade sérieusement, bien s’échauffer et aller travailler des choses difficiles (pour soi), ça marche aussi extrêmement bien.